Sur la peinture du portrait : les conseils d’Élisabeth Vigée-Lebrun

À la fin du magnifique livre « Souvenirs« , l’artiste écrit ceci :

« J’ai désiré placer à la fin de ce volume les conseils que j’ai écrits pour ma nièce, madame Le Franc, qui peuvent être utiles aux femmes qui se destinent à peindre le portrait. »

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Alain Yvars, qui a eu la généreuse idée de relater quelques extraits du tome troisième de l’ouvrage, m’a donné envie de partager à mon tour une partie des conseils donnés par cette merveilleuse portraitiste.

[…]Que le fond derrière le modèle soit en général d’un ton doux et uni, ni trop clair, ni trop foncé ; si c’est un fond de ciel c’est autre chose ; mettez du bleuâtre derrière la tête.
Pour peindre la tête au pastel ou à l’huile, il faut établir les masses de vigueur, les demi-teintes, ensuite les clairs. Il faut empâter les lumières et les rendre toujours dorées ; entre les lumières et les demi-teintes, il y a un ton mixte qu’il ne faut pas omettre, il participe du violâtre, du verdâtre, du bleuâtre. Voyez Van Dyck. Les demi-teintes doivent être de tons rompus, et moins empâtées que les lumières ; que sa lumière indique fortement ses os et ses parties musculeuses qui cèdent aux premières[…]

Il ne faut jamais empâter les prunelles, pour qu’elles soient vraies et transparentes ; il faut le plus possible les bien détailler, prendre garde de leur faire un regard équivoque, surtout les faire rondes ; le haut du cercle de la prunelle est toujours intercepté par la paupière supérieure ; à l’œil en colère la prunelle se voit entièrement. Quand l’œil sourit, la paupière est interceptée par la paupière inférieure qui la recouvre. Le blanc de l’œil doit être d’un ton vierge et pur dans l’ombre, et la demi-teinte, quoique perdant son vrai ton (de même que tous les objets) ne doit jamais être grise ni d’un ton sale. Il doit refléter quelquefois la lumière du nez, et participer un peu de l’orifice. Les cils dans la partie ombrée se détachent en clair, c’est pourquoi il faut peindre ces tons avec de l’outremer dans la partie claire en ombre[…]

Le sourcil doit être préparé d’un ton chaud, et l’on doit sentir la chair dessous l’échappée des poils, qui doivent être faits finement et avec légèreté[…]

Il faut bien observer la partie du front ; elle est nécessaire à la ressemblance et donne en partie le caractère de la physionomie. Les fronts dont l’os à une saillie carrée, tels que Raphaël, Rubens et Van Dyck (comme on peut le voir dans leur portrait), la lumière s’indique fortement sur leurs saillies[…]

Les cheveux doivent se dessiner par masse et doivent très peu l’emporter ; le mieux serait de les faire par glacis, la toile produisant souvent des transparents dans l’ombre et dans le ton entier. Les clairs des cheveux ne s’établissent que sur les parties saillantes de la tête ; les boucles des cheveux reçoivent la lumière au milieu et sont légèrement interceptées par quelques échappés de cheveux qui viennent en ôter l’uniformité[…]

Si l’on doit peindre la gorge, éclairez-là de façon à ce qu’elle reçoive bien la lumière ; les demi-teintes qui font tourner le sein doivent être du ton le plus fin et le plus frais : l’ombre qui dérive de la saillie de la gorge doit être chaude et transparente[…]

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