Le mazzocchio : une histoire de perspective…

Mazzocchio vu en perspective (Louvre Départements des Arts graphiques)

« Le “mazzocchio” est la géométrisation du couvre-chef florentin “a cercine”, c’est-à-dire en forme de cercle, que Paolo Uccello a d’ailleurs parfois représenté de façon réaliste (dans les “Scènes de la vie de Noé”, et dans les “Batailles”, par exemple), combinant alors le raccourci du solide géométrique et la fluidité du drapé qui l’enveloppe, le “torculo” comme dira Piero della Francesca. Mais dans le “Déluge”, Paolo fait figurer deux “mazzocchi” géométriquement rendus grâce à la représentation du cercle par points, qui se présentent comme des polyèdres à multiples facettes alternant le noir et le blanc en damier.

Parronchi a voulu y voir la volonté d’indiquer le même effet que lorsque deux corps solides sont vus à distance, l’un étant un solide véritablement anguleux et l’autre un solide qui paraît anguleux du fait d’une coloration qui simule de multiples facettes. Même s’il est difficile d’accepter entièrement l’analyse de Parronchi en raison de l’état de la fresque et des restaurations successives, le point important est que Paolo Uccello, s’est ici livré à une expérience sur le rapport forme-couleur : le dessin du “mazzocchio” du Louvre, qui est monochrome ou presque, privilégie l’effet de continuité, de poli, vers lequel tend la construction par points. Au contraire les damiers noirs et blancs donnent un effet différent, inhérent à la différence même de perception d’une surface identique selon qu’elle est de couleur claire ou foncée. C’est là une expérimentation sur le rapport forme-couleur (à laquelle il faut adjoindre la lumière) qui appartient au domaine ghibertien, dépassant la simple perspective pour rejoindre la psychologie de la vision.
La présence récurrente de ces éléments – le tonneau cinq fois, le “mazzocchio” bien plus encore – la géométrie cristalline des dessins, et l’obsession du calice, se donnent à la fois comme quête métaphysique et comme prise de position théorique. Elles ont impressionné les contemporains et beaucoup fait pour la renommée d’Uccello, étrange, très actuelle, mais difficile à situer dans une interprétation historique.
Au contraire, une interprétation plus modeste de ce thème de la perspective ramène l’analyse de l’œuvre et le jugement critique vers cette attitude rêveuse, ce réalisme magique bien enraciné dans la tradition gothique, dont Paolo Uccello, à sa manière, tenace et peut-être discrètement polémique, voulait démontrer la pleine vitalité, la richesse de registres, et l’inépuisable pouvoir narrateur et persuasif. » source

La Bataille de San Romano est une œuvre du peintre Paolo Uccello, peinte en trois panneaux (dispersés aujourd’hui) d’environ 3 × 2 m, vers 1456. Le peintre y donne libre cours à sa passion pour la perspective mathématique et les formes géométriques. source

Le Déluge (1446-1448, Chiostro Verde de Santa Maria Novella, Florence, Italie) : cette peinture murale est une expérience de Paolo Uccello sur la représentation où il va chercher les limites de la perspective en l’accentuant à son maximum. source

« …Cependant, si on connaît plusieurs livres de perspective avec la représentation du mazzocchio, beaucoup moins sont les exemplaires en trois dimensions….« source

Perspectiviste  : Claude Lothier

Pour aller plus loin : persistante perspective (passionnant!)

 Stéréoscopie

Hans Vredeman de Vries

3 réflexions au sujet de « Le mazzocchio : une histoire de perspective… »

  1. Oui, on avait déjà parler de ça avant quelque part ..hmm… oublié où… je regarde le blog de Lothier (si je me trompe pas) de temps à autre…

    1. En effet, j’avais donné ces infos (en janvier 2012 sur Signus) et tu les avais déjà beaucoup appréciées 😉 🙂
      –> quelle mémoire 😀

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