Préparation d’un vernis-gel ou gelée flamande

St Luc peignant la Vierge, Marteen Van Heemskerck
St Luc peignant la Vierge Marteen Van Heemskerck Huile sur bois 207,5 x 144,2 cm

Cette œuvre se trouve au musée des Beaux-Arts de Rennes

détail du tableau

« Avec ce médium, le peintre donne à ses figures l’apparence de la vie qui anime ses modèles. » En fait, à travers ces couleurs et ce médium, qualifié par Arasse d’« infime goutte de vie », ce sont tous les concepts de la physico-chimie de la peinture qui transparaissent. En particulier, l’ajout d’un tel gel va pouvoir modifier la fluidité de la matière picturale, la saturation de la couleur et produire des effets spécifiques sur l’œuvre finale tels qu’une matière lisse et brillante ou un empâtement qui révèle une texture grâce au mouvement du pinceau durant le geste du peintre. Aujourd’hui, la reconstitution de ces produits, en suivant des procédés décrits de manière plus ou moins précise dans des livres de recettes, combinée à l’analyse de leur propriétés rhéologiques, nous renseignent sur l’écoulement de la matière picturale sous l’effet du pinceau, la formation du film de peinture et son séchage, et de là, sur les motivations qui ont conduit à ces formules chimiques souvent complexes. Par exemple, pour s’en tenir à cette matière sous forme de gel sur la palette de Van Heemskerck, la propriété thixotrope du produit fait que la peinture va s’écouler doucement et facilement sous le geste du pinceau puis, lorsque la main se relèvera, que la matière restera en place et ne s’écoulera plus. « source

Voici deux textes anciens où la gelée est évoquée :

  • un extrait de l’ouvrage (De la peinture à l’huile ou des procédés matériels employés dans ce genre de peinture depuis Hubert et Jan van Eyck jusqu’à nos jours) écrit en 1830 par Jean-François Léonor Mérimée  :

« –Vernis des AnglaisSi l’on mêle avec du vernis au mastic et à l’essence de térébenthine de l’huile siccative tenant de la litharge en dissolution, le mélange se prend immédiatement en gelée, qui a d’autant plus de consistance que l’huile a dissous plus de litharge, et le vernis plus de résine.
Cette gelée se maintient sur la palette, comme les couleurs, sans bouger de place.« 

« The mastic oil-varnish, to which purified turpen tine was sometimes added, was much employed by the later Flemish painters, and (as usual with their more modern processes) was introduced by them into this country. The necessity of employing the oleo-resinous medium in such climates as those of England and Holland was thus still recognised, and, as will be shown hereafter, a proportion of oil was recommended even in varnishes for finished pictures. The following receipts exemplify the use of the oleo-resinous medium during the 17th century. They appear in a modern manuscript without a name. The writer states that he copied them from a collection of memorandums containing successive accounts of the methods of painters who had practised in England from the time of Van Dyck to that of Kneller; but as he adds that he had lost sight of the original MS., and as the name even of the transcriber himself is unknown, the description must rest on its own merits.
To make Vandyck’s drying oil*. Take an oz.and half, or two oz. is better, of white lead**, and a pint of nut oil ; set the oil upon the fire in a large earthen vessel ; put in the lead by degrees, as the oil simmers very slowly over the fire till the whole is dissolved (diffused). » The oil was then clarified by straining and by repose. The writer adds : « This oil should be used fresh. Van Dyck…alwayshad it prepared in his own house, and never kept it by him more than a month ; after that time it begins to lose its good qualities : it is believed that Cornelius Jansen, as well as Van Dyck, used this drying oil. » The next extract is :  » To make Van Dyck’s mastic varnish -Take 1lb.of gum mastic, carefully picked ; powder it an set it in an earthen vessel with 2lb. of spirit of turpentine. Set this in a sand heat, or any other heat that is less than will make the spirit boil : let it remain (shaking it continually) till the gum is dissolved. Take it from the fire and let it stand till the contents are cold. The varnish is then to be poured out, and separed from any little foulness it may contain. The best way is to make a quantity of this varnish at a time, and keep it in bottles closely stopped, exposed as much as possible to the heat of the sun. This will make it clear, and improve the colours in proportion to the length of the time it is kept. Take 1lb. of this varnish and half a pint of drying oil ; shake them well together ; put them, in a bottle, to simmer on the fire for a quarter of an hour, when the mixture will be complete. But if it should curdle as it cooks, it must be set on the fire again, and simmered until, when cooling, it does not curdle, but appears like a white jelly. »

*huile noire  ** blanc de plomb

Pour info : « les huiles cuites combinées au plomb et à la chaux, avec ou non ajout de cire et les gelées flamandes en dérivant rendent certes les pâtes consistantes mais les émulsions ou l’ajout de charges argileuses permettent également à l’artiste d’obtenir des peintures thixotropes et n’utilisent pas nécessairement une huile emplastique« . source )

Préparation d’un vernis-gel ou gelée flamande

Proportions : 1 volume de vernis mastic pour 1 volume d’huile noire.

vernis-gel

Pour mélanger la préparation, il est préconisé d’utiliser un agitateur en verre  : cette matière inerte (non chimiquement active) ne  perturbera pas le mélange réactionnel.

La prise en gelée se fait au bout d’une petite dizaine de minutes –> et voilà la « confiture » est prête pour la mise  en pots … en tubes 🙂

mise-en-tube